Quelles sont les données médicales qu’il est possible de partager en France ? La question mérite d’être posée à l’heure où, au Royaume-Uni, le débat monte sur les principaux sites de santé, dont une enquête du « Financial Times » a révélé qu’ils partagent des données médicales de leurs internautes sans leur consentement, avec les Google, Amazon et autres Facebook.
En réalité, avec son système national des données de santé (SNDS), accessible depuis 2017 aux chercheurs publics ou privés menant des travaux d’intérêt public, l’Hexagone est considéré comme un cas unique au monde. Et celui-ci est en pleine évolution, la loi de modernisation du système de santé votée cet été ayant prévu des mesures pour l’adapter au goût du jour.
Elle a d’abord élargi sa base de données aux informations cliniques elles-mêmes, alors que, jusqu’ici, le SNDS regroupait uniquement des données médico-administratives de l’Assurance-Maladie et des hôpitaux, ainsi que des statistiques sur les causes de décès en France. « Si une radio est remboursée par la solidarité nationale, elle se retrouvera dans le SNDS », se réjouit Emmanuel Bacry, le directeur scientifique du Health Data Hub, l’organisme chargé de fédérer dès l’année prochaine l’ensemble des producteurs de données de santé sur une plateforme numérique à l’état de l’art.
Cependant, tout n’est pas parfait. « Le Health Data Hub a été annoncé, mais il n’y a encore rien de concret du point de vue informatique », s’impatiente ainsi un startuppeur dans le domaine de l’analyse de données, alors que la technologie est encore en cours d’homologation. Plus sévère, un autre observateur parle d’un « coup de com » et pressent des difficultés à corréler une image avec des documents administratifs sans recourir aux algorithmes des géants américains des technologies.
La CNIL en alerte
Les critiques les plus lourdes portent sur le risque de voir ce système dévoyer le secret médical, soit parce qu’il serait utilisé de façon contraire au serment d’Hippocrate, soit en raison d’une attaque informatique. A ce sujet, la CNIL, chargée de la protection des données personnelles, est déjà sur ses gardes.
Tout en comprenant ces inquiétudes, Emmanuel Bacry pointe un autre risque dans le cas où les données de santé resteraient inexploitées. « Si nous ne le faisons pas, nous ne trouverons pas certains traitements et des jeux de données circuleront sous le manteau », craint-il. De plus, la plate-forme doit permettre d’encadrer les usages. Ainsi, contrairement aux projets récemment officialisés par Google, le SNDS, lui, n’attribue pas aux patients leurs vrais noms, mais despseudonymes. « Il est indispensable de s’assurer que la réidentification sera impossible », prévient le Conseil de l’Ordre des médecins. « Pour la recherche d’intérêt public, il n’est pas nécessaire de travailler sur des données permettant d’identifier les personnes », rassure Emmanuel Bacry. Un garde-fou qui empêchera des médecins ou des laboratoires pharmaceutiques d’informer personnellement tel ou tel patient des risques qu’il encourt de contracter une maladie à l’avenir, mais aussi à des assureurs de refuser, par exemple, certains clients.
Source : Les Échos