C’est une chose de créer le jumeau numérique d’un avion ou d’un bâtiment, c’en est une autre d’élaborer la copie digitale d’un humain. « Les données anatomiques changent constamment et il faut des capacités de calcul et des algorithmes très solides pour digérer la quantité phénoménale de données provenant de l’imagerie », explique Baptiste Pierrat qui travaille sur la simulation chirurgicale assistée à l’Ecole nationale supérieure des mines de Saint-Etienne. Les progrès de l’intelligence artificielle sont pourtant tels qu’ils permettent désormais d’envisager des applications complexes dans le domaine du« vivant numérique ».
Après huit ans de recherche, le chef du service de chirurgie cardiaque et vasculaire au CHU de Saint-Etienne, Jean-Noël Albertini, marque une étape importante dans cette quête. Avec sa start-up PrediSurge, il a créé un double digital de l’aorte qui reproduit jusqu’à sa mécanique fonctionnelle. Grâce à ses travaux, il peut voir à l’écran le comportement physique de l’artère et notamment la déformation des tissus sous les coups de boutoir de la pression sanguine. Grâce à ce jumeau, il ajuste à la perfection les endoprothèses qui préviennent une rupture d’anévrisme. Mais surtout, leur conception ne prend que deux jours, là où il fallait habituellement plusieurs semaines.
En visant des performances identiques, d’autres jeunes pousses investissent le secteur, telle Novadiscovery qui élabore des modèles mathématiques pour réaliser des essais cliniques in silico, plus rapides et meilleur marché, ou TheraPanacea, un spin-off de l’Inria et de CentraleSupélec qui teste sur des patients numériques l’efficacité de protocoles de radiothérapie pour le traitement de cancers. « Notre outil utilise le “machine learning” pour adapter en temps réel la dose délivrée au patient en fonction des changements anatomiques ou des mouvements des organes pendant les séances d’irradiation », résume son fondateur Nikos Paragios.
Therapixel, une autre start-up créée à partir du savoir-faire de l’Inria, a investi ce segment de l’oncologie. Elle développe une IA qui est presque un jumeau numérique pour améliorer la lecture des mammographies en pointant l’oeil expert du radiologue sur des anomalies qui peuvent lui échapper. Pour y parvenir, l’entreprise a enrichi son algorithme de presque 1 million de mammographies fournies par une quinzaine d’instituts anticancéreux en France. Et le travail n’est pas fini : l’entreprise a récemment levé 5 millions d’euros pour gaver son logiciel de nouvelles données.
Source : Les Échos