Pour la première fois de son histoire, l’humanité doit faire face à un défi, et c’est peut-être le plus grand défi auquel elle est et sera jamais confronté : la pénurie.
Nous savons aujourd’hui que nous n’avons qu’une seule planète, que ses ressources sont limités et que si nous continuons à consommer de la même façon elle ne pourra pas subvenir à nos besoins indéfiniment, loin s’en faut… il nous en faudrait au moins 3 si nous ne changeons rien à nos habitudes de consommations occidentales, pire si nous les étendons à nos voisins.
Il y a bien sûr la pénurie de nourriture et d’eau, quand nous réalisons que seulement 2,5% de l’eau sur terre est buvable, il semble évident qu’il faudra faire quelque chose, mais pas seulement pour ça, la pénurie touche aussi les matières premières et les ressources minérales.
Voilà le problème auquel nous devons faire face et surtout que nous devons résoudre…
Je dirige une startup spécialisée dans la fabrication de matériaux nouveaux et high-tech pour l’industrie de l’électronique et plus particulièrement l’électronique imprimée.
Je me suis lancée dans cette aventure vers la fin des années 2000, je savais que l’industrie pour laquelle je travaillais depuis un certain nombre d’année ne serait plus la même à l’avenir. Par-dessus tout, j’avais envie de faire autre chose que des composants pour des consoles de jeux ! et surtout j’étais persuadée que le marché de l’électronique devait évoluer et que la réponse aux nouvelles demandes serait l’électronique imprimée.
Toutes les nouvelles applications (biocapteur, textile connecté, écrans souples etc.) vont être les nouveaux contributeurs de croissance de notre économie. Comme elles sont basées sur de nouveaux usages comme les « smart cities », l’internet des objets, les véhicules autonomes, vous connaissez tout cela aussi bien que moi et peut-être mieux, elles vont représenter des marchés en très forte croissance, elles vont contribuer au développement durable, aux réductions de consommation énergétique et surtout améliorer notre vie au quotidien.
Mais, vous savez en français il y a souvent un mais, pour créer ces nouvelles applications, il nous faut inventer de nouveaux matériaux et surtout les produire.
Il nous faut créer ces nouveaux matériaux pour les nouvelles applications, mais pas que pour ces raisons-là.
Certains de ces matériaux sont appelés terres rares ou métaux rares, cela veut dire qu’ils sont rares bien sûr ou bien qu’ils sont diffus dans le sol et donc très difficiles à exploiter. Parfois leur exploitation est aussi très polluante, parfois elle génère des catastrophes humanitaires, je suis sûre que vous avez entendu parler du Coltran et que vous savez ce qui se passe en Afrique centrale. Là ou des enfants descendent au fond des mines, souvent avec pour seuls outils leurs mains nues…
Alors pour ces multiples raisons j’ai décidé un jour que je ferai le lien entre le rêve et la réalité, que je produirai ces nouveaux matériaux !
En 2008, J’ai donc quitté le confort d’une grande entreprise qui fabriquait des composants électroniques « traditionnels » et j’ai fondé Genes’Ink, une startup innovante dans le domaine des matériaux et nanomatériaux pour l’électronique imprimée. Et devinez… nous l’avons fait et nous le faisons encore !
Nous avons inventé des matériaux conducteurs à température et sous atmosphère ambiantes, relevant les défis qui nous sont lancés, toujours plus fin, toujours plus flexibles, toujours plus facile à utiliser…
Nous vivons une époque extraordinaire, tous les concepts futuristes, tous les objets imaginés par les romanciers ou des artistes un peu fous deviennent réalité. Nous sommes au début d’une nouvelle ère rendue possible par les nouvelles technologies que nous développons.
Je ne parle pas seulement des nano, je parle aussi des NBIC :
- Nanotechnology
- Biotechnologies
- Information sciences
- Cognitive Sciences
Toutes ces sciences accélèrent et contribuent à leurs accélération réciproque, les unes dopant les autres, juste un exemple :
- En 1990 les scientifiques étaient d’accord pour dire qu’il faudrait environ 3 ou 5 siècles pour séquencer la totalité du génome humain.
- En 2003, grâce aux progrès de l’informatique, le génome humain étaient totalement décrypté
- Aujourd’hui vous pouvez avoir votre propre génome séquencé pour environ 1000 dollars, voire moins… c’est facile on fait ça via internet !
Cela ouvre le champ des possibles mais aussi la boite de Pandore.
Peut-être demain pourrons nous le modifier et tous devenir des surhommes !
Si nous voulons faire face à ce défi, nous devons répondre à une question : POURQUOI?
La science a été inventée pour réparer les accidents de la vie, maintenant nous allons plus loin nous nous améliorons ! dans quel but et quel sens donner à cette quête ?
Pourquoi voulons-nous être des surhommes ? et surtout pourrions-nous toujours être considérés comme un être humain après cela ?
Le risque n’est-il pas de perdre notre humanité ?
Notre ancien monde est en train de disparaitre et un nouveau émerge, nous sommes aujourd’hui à un stade « intermédiaire » Antonio Gramsci le disait fort bien : « La crise consiste précisément dans le fait que le vieux meurt et que le nouveau n’est pas encore né»
Nous allons vivre des changements politiques et technologiques, qui perturberont probablement notre façon de travailler, voire de vivre, mais plus encore il nous faudra créer une nouvelle éthique si nous voulons survivre.
Comment pouvons-nous nous préparer pour un monde nouveau que nous avons du mal à imaginer aujourd’hui ? surtout que celui-ci risque d’arriver plus vite que nous le pensons.
Cependant, dans un monde ou la technologie change à une vitesse exponentielle, de nouvelles opportunités extraordinaires nous sont présentés. Nous allons pouvoir surmonter les limitations humaines et relever des défis entièrement nouveaux et imprévisibles.
Pour répondre à ces nouveaux challenges nous avons besoin de politiques, politiques au sens large et étymologique du terme, qui s’adaptent rapidement et qui, en même temps permettent l’innovation, l’équité ou l’égalité entre tous et la sécurité des concitoyens.
Et ceci s’appliquent à toutes les organisations, à toutes les structures organisationnelles : les gouvernements bien sûr mais aussi les entreprises, qu’il s ‘agisse de grands groupes ou de toute petite startup.
Prenons un autre exemple est l’Intelligence artificielle. Stephen Hawking a déclaré fin 2016 que l’intelligence artificielle sera « le mieux, ou la pire chose, jamais arrivé à l’humanité. »
L’évolution humaine s’accélère et nous passons d’un processus lent et aléatoire « la sélection naturelle Darwinienne » à une période hyper-accélérée « d’une évolution dirigée par l’intelligente. »
Le résultat est que ce changement vient beaucoup plus rapidement que nous aurions pu l’imaginer, et nous avons, nous tous ensemble, dirigeants, entrepreneurs, parents ou scientifiques une responsabilité immense, celle d’inspirer et de guider la transformation de l’humanité.
Ce que nous ferons au cours des trente prochaines années, ce qui nous permettra ou pas de continuer à vivre dans cette société d’abondance, conditionnera le millénaire à venir ou plus, enfin si nous ne faisons rien ce sera surement moins…
Nous sommes aujourd’hui à une des périodes, peut-être même LA période la plus passionnante de l’histoire de l’humanité.
Dans notre domaine, c’est la même chose, nous inventons de nouvelles applications, de nouveaux objets, de nouveaux matériaux… ils vont proliférer et seront partout.
A nouveau pourquoi, pourquoi créer ces applications, ces objets et ces matériaux ?
Est-ce pour faire de nous juste des consommateurs toujours en quête de consommation ?
En 1865 les frères de Hyatt ont inventé le plastique. Initialement, ils veulent juste remplacer les billes d’ivoire utilisées pour les jeux de billards et ce n’est même pas pour sauver des éléphants, c’est juste parce que l’ivoire est cher …
Aujourd’hui au milieu de l’océan nous avons un nouveau continent constitué de tous les plastiques que nous jetons chaque jour et qui est mortel pour les créatures marines !
Qu’arrivera-t-il avec tout ce que nous inventons aujourd’hui ? sommes-nous capables de le prévoir ? ce qui est sûr c’est que nous allons le faire bien ou pas.
Si nous ne répondons pas à la question d’éthique dans les prochaines années et pas dans 50 ans, nous devons y répondre avant, les conséquences de ce que nous créons en ce moment pourraient être plus dramatiques encore que le 6ème continent, car ce que nous créons aujourd’hui c’est plus que du plastique !
Nous vivons la période la plus passionnante de l’histoire de l’humanité, je suis profondément convaincue de ceci, mais aussi la plus incertaine et probablement la plus dangereuse.
Nous devons nous assurer que nous créerons le meilleur environnement dont nous puissions rêver en renouvellement nos façons de faire, d’inventer, d’innover et de fabriquer, en utilisant toutes cette technologie, toutes ces technologies au mieux et en apprenant à nos enfants comment le faire, en leur transmettant des valeurs justes pour transformer et construire le monde de demain.
Je ne sais pas comment nous allons pouvoir faire tout cela, je n’ai pas la réponse et je ne l’aurai jamais toute seule, mais je sais que cette réponse est entre nos mains à nous tous ensembles dirigeants, entrepreneurs, parents, scientifiques ou simple citoyen.
La science est un concept, l’éthique est une valeur humaine, si nous voulons faire une révolution, elle ne peut pas, ne doit pas être technique, notre responsabilité est bien plus grande que cela notre révolution doit être ETHIQUE.
La science doit être au service de l’humanité pas l’inverse.
Rabelais, en 1530 environ, a dit : « sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme »
il est temps de l’appliquer ! »
Corinne Versini
CEO, Genes’Ink