Frédéric Simottel
directeur de la rédaction
01Business
Et si le nouveau Gouvernement prenait enfin la pleine mesure du potentiel du numérique. Il mettrait fin à un secrétariat d’Etat étriqué et mettrait en place un ministère du Numérique. Ses deux missions porteraient sur la modernisation de l’Etat et sur la transformation de nos process dans l’industrie, la santé, l’éducation, l’énergie, le transport, etc. chiche ?
Regardons ce qui vient de se passer ces toutes dernières semaines aux Etats Unis, en Allemagne, en Grande Bretagne et en Italie. Barack Obama s’est doté en juillet d’une task force digitale. Cette petite équipe d’experts placée sous les ordres directs de la Maison Blanche, provient du secteur privé. Elle est chargée d’apporter son regard sur tous les projets de l’Administration américaine et d’y insuffler un élan numérique. En Allemagne, où le digital a pris le dessus en termes d’intérêts économiques sur l’industrie auto, l’agenda numérique vient d’être dévoilé. Piloté directement par le cabinet de la chancelière Angela Merkel. Celui-ci s’appuie sur trois piliers forts : le déploiement de l’internet haut débit à travers tout le pays, l’aide à la création d’entreprises IT avec une moyenne affichée de 10 000 à 15 000 sociétés nouvelles sociétés par an. Le troisième axe porte sur la sécurité des données. Au royaume Uni, c’est fin juillet que David Cameron a nommé auprès de lui une directrice du digitale. Sa mission porte sur deux axes, étudier la transformation numérique des secteurs économiques et analyser les mesures à prendre pour accompagner l’entrepreneuriat dans le domaine. Chaque ministère allemand est d’ailleurs doté d’une entité numérique. Même en Italie, le numérique a pris sa place, placé dans les toutes premières priorités de Matteo Renzi, qui a présenté son agenda digital fin juillet.
Une première mission : la modernisation de l’Etat
Certes la France bouge aussi. Sans être des geeks aguerris, nos dirigeants ont compris que le numérique était source de simplification et même de réduction de coûts dans l’Administration et les services publics. Mais pourquoi ne pas aller plus loin. Pourquoi ne pas enfin créer ce grand ministère du numérique. Sa première mission serait de s’attaquer à la modernisation de l’Etat. Il pourrait alors s’appuyer sur un Chief Digital Officer, responsable de la gestion et de la circulation des données. Sa deuxième mission plus transversale, sans doute emmenée par une équipe d’experts aurait comme objectifs de travailler sur tous les process de notre société et de voir comment en transformer en partie. On y parlerait de politique des villes, pour gérer l’éclairage public, l’énergie, les transports, les places de parking. Idem dans la santé avec toutes les innovations qui portent sur l’hospitalisation et la médicalisation à domicile, les diagnostics à distance via des applications sur smartphones.
Un autre chantier serait à lancer auprès des PME ; en les aidant à numériser leur logistique, leurs systèmes de relations clients, leur marketing, ou pour se développer à l’international. Grâce au digital, les PME pourront actionner des leviers de productivité et de compétitivité. L’éducation figure également parmi les domaines où le numérique va jouer un rôle vital, tant dans la manière d’enseigner que dans les programmes d’enseignements qui devront être davantage orientés vers les métiers du digital. L’industrie est également concernée avec le machine to machine -la version professionnelle de l’internet des objets- qui va aider à piloter de façon automatique et sécurisée des process de production ou de consommation d’énergie.
Investir dans le numérique, c’est aussi pour l’Etat un enjeu de sécurité nationale et de cyberdéfense. Sur ces points, l’équipe d’experts travaillerait avec le ministère de la Défense, celui de l’Intérieur et celui de la Justice. Un état puissant sur le sujet numérique c’est aussi l’assurance d’un poids plus important au niveau international en matière de souveraineté dans la gestion des données ou plus globalement dans la garantie de la neutralité du Net.
Enfin et il aurait presque fallu commencer par là, le numérique est aussi source d’emplois. Dans le secteur technologique d’une part où certains domaines sont en plein essor mais également dans des métiers non techniques mais qui dépendent totalement du digital comme dans le e-commerce ou le marketing. Il est temps pour le gouvernement de regarder comment nos modes de vie ont changé avec le numérique, les smartphones, le e-commerce, les réseaux sociaux. Il est temps de comprendre qu’avec le numérique, les entreprises ne sollicitent plus seulement leurs forces internes mais interagissent avec tout leur écosystème pour créer une nouvelle dynamique.
Il est temps de sortir de ce climat négatif véhiculé par des universitaires qui réfléchissent sur l’avenir de l’emploi, par des artisans ou des petits commerçants (taxis, libraires, hôteliers…) inquiets sur l’avenir de leur métier. C’est par le numérique, en s’ouvrant sur d’autres univers, en innovant accompagnés par d’autres métiers qu’ils comprendront que le numérique est un allié et pas un concurrent.
Un ministre du Numérique, chiche ?