Philippe Roux
Responsable marketing Cloud pour la division Enterprise Group
HP France
Aujourd’hui le Cloud Public s’achète aussi facilement sur Internet qu’un appareil-photo, un réfrigérateur, voire même une voiture. On peut objectivement se demander si le tout-direct ne va pas devenir le mode de commercialisation privilégié.
Nietzsche a dit « God is dead ». Lenny Kravitz a dit “Rock and Roll is dead”. Doit-on craindre que le Cloud enterre le marché de la distribution informatique ?
Dans la sphère personnelle, les réticences des consommateurs que nous sommes face au e-commerce s’estompent d’année en année. Selon la FEVAD, Fédération du e-commerce et de la vente à distance, 30 millions de français envisagent de faire les soldes d’hiver en ligne. Rien que pour la journée du 8 janvier, début des soldes d’hiver 2014, on a constaté une augmentation de 6% des ventes en ligne par rapport aux soldes d’hiver 2014.
Ne soyons pas naïfs, le commerce en ligne se propage au détriment des modes de commerce traditionnels. En première ligne les petits commerces mais les grandes chaînes ne sont pas épargnées.
Quel rapport avec le cloud computing ?
Par essence, le cloud public offre un business model sans intermédiation nécessaire. Vous et moi avons la liberté de nous connecter sur le portail d’un fournisseur d’infrastructures, de sélectionner notre VM, de donner un numéro de carte bancaire et nous voilà, quelques minutes plus tard, aux commandes de notre VM.
Magique, n’est-ce pas ? Si on force un peu le trait, cette dématérialisation à outrance peut avoir un effet mortel sur les métiers d’intermédiation. Quelle nouvelle place doivent prendre les distributeurs, les VARs, les intégrateurs ?
Charles Darwin avait son avis sur la question. « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements ».
De la même façon que le e-commerce n’a pas (encore) mis à mort le commerce physique, le cloud ne va pas « détruire » tout le secteur de la distribution. Il faut simplement que ses acteurs évoluent vers de nouveaux métiers apportant de la valeur par rapport à un(e) mode de distribution « full on-line »
Cinq rôles majeurs se dessinent
Le Cloud Advisor : il est en amont de la réflexion de son client. Compétent sur le cloud, mais idéalement aussi sur le métier de son client, il va le conseiller pour définir/affiner sa stratégie cloud, et le conseiller dans le choix de solutions appropriées à ses besoins. C’est du consulting dans tout ce qu’il a de traditionnel.
Le Cloud Builder : il va construire les infrastructures Cloud pour que son client déploie un Cloud privé ou public. En règle générale il n’opère pas le Cloud construit, son rôle s’arrête à la « remise des clés opérationnelles » du Cloud. C’est un métier qui regroupe des tâches classiques de distribution mais surtout d’intégration matérielle et logicielle.
Le Cloud Provider : il devient prestataire de services de Cloud computing qu’il délivre à ses clients en mode Coud (portail de self-service, paiement à l’usage). C’est un métier plus proche de celui d’un infogérant, car il porte la responsabilité du service 24×7 qu’il propose à ses clients.
Le Cloud Reseller : il revend – en marque blanche ou pas – des services proposés par d’autres Cloud Providers, sur la base des conseils qu’il aura promulgués à son client. C’est un rôle de Cloud Advisor qui s’étend à la revente (et la facturation le cas échéant) des services cloud proposés.
Le Cloud Integrator : évolution du métier d’intégrateur classique, il va assurer l’interopérabilité matérielle et logicielle entre le SI du client et la ou les solutions Cloud qu’il veut mettre en place.
Pour certains rôles, le degré de transformation est important. Il implique une évolution des compétences pour pouvoir mener à bien ces nouvelles missions.
D’un point de vue financier, pour les Cloud Providers par exemple, il faut consentir à des investissements préalables avant de pouvoir réaliser des revenus locatifs. Pour le Cloud Reseller, pas d’investissement upfront : lui aussi disposera de revenus certes récurrents, mais dont seul le volume de vente lui assurera un montant suffisant.
Le cloud révolutionne le cas de l’apporteur d’affaires
Depuis que le commerce existe, des intermédiaires ont cherché à tirer des revenus de la mise en relation entre un offreur et un demandeur : c’est l’apporteur d’affaires que l’on retrouve dans tout type de secteur d’activité, avec plus ou moins de clandestinité selon les cas….
La relation entre l’offreur et l’apporteur d’affaires fait l’objet d’une formalisation contractuelle plus ou moins transparente, définissant entre autres les modes de rémunération, les rôles et responsabilités des parties.
Dans un modèle de Cloud public, donc éminemment locatif, comment l’apporteur d’affaires peut-il constituer sa rémunération ?
Un très intéressant article de M° Olivier Iteanu, avocat à la Cour d’Appel de Paris, paru dans le dernier numéro de la Lettre du Cloud nous interpelle sur « l’apport d’affaires dans le Cloud, les bons choix juridiques ».
On y apprend que le statut d’un agent commercial lui permet d’obtenir des indemnités à la fin normale d’un contrat à durée déterminée, ou lors d’une rupture à l’initiative de l’offreur. A l’inverse, l’apporteur d’affaires, est assimilé à un courtier dont la prestation n’inclut pas d’acte de vente. Reste à régler trois questions liées à la rémunération de l’apporteur d’affaires :
- Le fait déclencheur d’un droit à rétribution. Est-ce l’envoi d’un banal SMS « appelle Monsieur Machin de ma part », ou au contraire, le remplissage d’un formulaire avec les coordonnées complètes de Monsieur Machin, son business plan …
- Le moment de la rétribution. Doit-elle se faire à la mise en contact, ou lorsque le prospect a signé avec l’offreur, ou encore lorsque le client a payé. Les intérêts de l’offreur et de l’apporteur d’affaires sont souvent opposés sur ce point.
- La durée d’effectivité. L’apporteur d’affaire touchera-t’il une commission intégrale calculée sur montant du contrat, au risque que celui-ci soit dénoncé avant terme ? Ou sa commission sera-t’elle versée par mensualité ? Et que se passe-t’il si le client final dénonce le contrat ?
En conclusion, le déferlement du Cloud ne va pas signer l’arrêt d’activité de tout l’écosystème des distributeurs/VARs/intégrateurs, mais va faire bouger les lignes. Comme c’est le cas dans tous les métiers d’intermédiation, la relation contractuelle entre le client et son prestataire de service doit être bien établie.
Avec le Cloud, certains prestataires vont voir leur champ de responsabilités s’élargir. Ils devront à leur tour s’assurer de pouvoir tenir les engagements qu’ils ont pris, même s’ils agrègent des prestations externes.
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